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Raynald Denoueix donne les clés du match

Dans les milieux actuels du Paris Saint-Germain, certains joueurs retiennent-ils votre attention pour incarner ce renouveau dans ce secteur clé ?
Le tout jeune, (Warren) Zaïre-Emery, lui il a des qualités (17 ans, ndlr). Vitinha, ce n’est pas mal aussi. Bon, (Manuel) Ugarte, ce n’est pas mal non plus. Avant, il y avait toujours dans cette zone des joueurs très habiles avec le ballon collectivement, près du but parisien ou près du but adverse. Quand on est fort dans ce secteur-là… Disons que là, il y a des profils un peu différents. Mais après attention, Mbappé peut décrocher aussi, il n’est pas maladroit avec le ballon. Dembélé a mis du temps, mais il a progressé dans sa capacité à comprendre le jeu de ses partenaires pour jouer plus juste dans la préparation, c’est pas mal. Mais les deux sont plus des attaquants purs. Aujourd’hui, on peut dire que dans cette équipe du PSG, les milieux de terrain sont soutenus par les latéraux aussi. Le petit Nuno Mendes est vraiment pas mal pour combiner. C’est dommage qu’il soit blessé. (Achraf) Hakimi aussi peut apporter au milieu. Avant, ils avaient des attaquants pour venir créer le surnombre au milieu. Maintenant, ils le font avec les latéraux. C’est très important d’avoir des joueurs au cœur de l’équipe pour tenir collectivement le ballon et se sortir du pressing. C’est une zone capitale.

Quid de l’organisation défensive et des individualités en défense ? Cela ne peut pas devenir un obstacle si le PSG garde cette approche de repartir de derrière ?
Je vois mal Luis Enrique demander à son équipe, à chaque fois que Donnarumma ou un défenseur aura le ballon, d’envoyer des parpaings à 50 mètres devant. C’est injouable. Lorsque vous êtes au départ d’une action classique, s’il n’y a aucune phase de préparation, comment ils pourraient vous offrir de l’espace en face ? Il ne faut pas rêver ! Après oui, on n’est pas à l’abri d’une connerie. Mais comme Luis Enrique, sa caractéristique, c’est plutôt de chercher à préparer… Non, je ne vois pas pourquoi il changerait. Et puis il y a changer et changer. Changer de système est une chose, mais changer une animation ou un style de jeu, c’est beaucoup plus risqué. Tu n’as que deux matchs et il suffit d’en louper un pour que ce soit la cata. Non, ce n’est pas possible. Ce serait suicidaire. Par rapport à ce qu’il a décidé de faire et ce qu’il n’a pas arrêté d’annoncer, quitte à ce qu’il y ait de petites erreurs.

« Quand on prend Luis Enrique, on n’est pas surpris de la manière dont il va essayer de faire jouer son équipe, non ? »

Le jeu au pied de Gianluigi Donnarumma pose question.
Oui mais ce n’est pas le seul. Regardez, le nombre de gardiens qui ont fait des conneries ces derniers temps. Alisson, Ederson, Ter Stegen, même Neuer. Ces entraîneurs-là ont un style de jeu, une manière. On ne peut pas changer du jour au lendemain sinon les joueurs vont se dire : « mais le coach n’a plus confiance dans ce qu’il nous a dit ? ». C’est un aveu de faiblesse. Même quand on est Guardiola. Surtout quand on est Guardiola (rires).

C’est aussi le crédit d’un entraîneur qui est en jeu ?
Oui. Il ne s’agit pas de mourir avec ses idées. Mais eux, à Paris, au niveau où ils sont, par rapport aux joueurs qu’ils ont, franchement, ça va… Changer ses convictions, c’est toujours possible, mais il faut s’y préparer. Cela ne se fait jamais du jour au lendemain. Une équipe comme le PSG ne peut pas se mettre à balancer devant.

Que pensez-vous de l’évolution du jeu en Coupe d’Europe ? L’aspect athlétique prend de plus en plus de place.
Dans le domaine athlétique, pour moi ce qui est intéressant c’est le volume de courses, la capacité à répéter les efforts. Pas que la vitesse, mais la mise en route. Des joueurs comme Mbappé ou Dembélé sont capables, arrêtés, de mettre 5 mètres à un joueur. Après, ce que j’ai vu contre lui face à Brest, ça me révolte (la faute de Lilian Brassier sur Kylian Mbappé, ndlr). Ce n’est pas un tacle, ça. C’est une agression. Est-ce qu’il a une chance de pouvoir toucher le ballon, sérieusement ? Le foot, ce n’est pas ça. Quand j’entends des expressions du type : ‘rentrer dedans’. Pfff… Ben non, pour moi le foot, c’est voir des belles actions, des beaux gestes.

« J’espère que le PSG est sur le bon chemin »

Quand vous regardez la Ligue des champions aujourd’hui, vous appréciez ces matchs débridés un peu « ping-pong » ?
Oui mais même s’il y a ce côté ping-pong, j’observe aussi que beaucoup d’équipes cherchent à repartir de derrière alors que certaines n’en ont pas les moyens. J’en vois beaucoup. Parce que pour faire ce que faisait le Barça, il faut vraiment que ce soit ancré. Quand j’étais à Canal, je suis allé à Barcelone pour L’Equipe Mag. On avait avait rendez-vous avec le responsable du centre. On voit une équipe, on demande si on peut aller regarder l’entraînement. On nous répond : ‘un quart d’heure, et que l’échauffement’. C’étaient les U17. Ils préparaient un match le lendemain. Je leur demande comment ils font passer leurs idées. Le responsable du centre m’a regardé, il y avait une bouteille de Coca sur la table, il m’a dit : ‘c’est comme le Coca’. J’ai compris que la recette était secrète. Bon… On est sorti. Il nous a fait visiter. On a vu des salles de muscu et tout. On n’a pas appris grand-chose mais on voit deux équipes qui s’entraînaient, côte à côte. Et à chaque fois, le gardien ressortait le ballon avec le joueur face à lui, un défenseur central. Ils faisaient ça à chaque fois. S’ils la perdaient, les coachs ne disaient rien. Et ça recommençait, ça recommençait… Qu’ils perdent le ballon ou pas, le circuit de relance était toujours le même. Alors forcément, il faut être tactiquement au point et ils apprenaient à se déplacer par rapport à ça. Eux maintenaient cette idée contre vents et marées. Je pense qu’il y a beaucoup d’équipes qui s’en sont inspirées.

Au final, est-ce que ce PSG n’est pas dans le vrai en voulant se donner le temps de monter un vrai projet de jeu ?
Complètement. De toute façon, quand on prend Luis Enrique, on n’est pas surpris de la manière dont il va essayer de faire jouer son équipe, non ? Est-ce qu’ils ont eu besoin de lui demander d’ailleurs ? Je ne crois pas. Quand on prend Guardiola, on sait à quoi s’attendre. Lui, c’est pareil. Après, malheureusement, il n’y a pas toujours le temps. On ne fait pas un club en quelques mois. Il faut une idée de haut en bas. Guardiola avait été à la formation. La Real Sociedad est un bon exemple à ce niveau-là. Quand j’y étais, la formation était déjà une des bases du club. Les joueurs s’entendent au niveau du jeu mais aussi en dehors des terrains, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Une équipe ne se fait pas comme ça. Même avec de très bons joueurs. Alors oui, j’espère que le PSG a pris ce chemin-là. L’équipe première, c’est la partie émergente de l’iceberg. Un club, c’est ce qu’il y a en-dessous, c’est ce qu’il y a dans l’eau. Il faut que l’iceberg soit complet. Où que vous soyez, à Paris, à Barcelone, à Marseille, partout. Quand vous prenez Messi ou Mbappé, vous ne leur apprenez pas grand-chose. Quand vous voyez le petit Zaïre-Emery, on croit en lui parce qu’on sait qu’il va être capable de comprendre ce qu’on lui demande. On ne va pas lui apprendre tout. Il n’a pas 13 ans, mais il n’a pas beaucoup plus (rires). Mais le foot, il l’a dans la tête, déjà. Son intelligence de jeu est là. Il sait. Moi, les meilleurs que j’ai eus à la formation, ce n’est pas moi qui leur ai appris à jouer. Je les ai pris parce qu’ils savaient.


Propos recueillis par Jean-Charles Danrée


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