Michel Delpech : splendeurs et misères d’un chanteur de variété
Dans « Un jour, un destin », Laurent Delahousse s’intéresse au parcours chaotique du chanteur du « Loir-et-Cher » et des « Divorcés ». Poignant.
Par Florent Barraco
« La gloire est le deuil éclatant du bonheur. » Pouvait-on accoler meilleure définition que celle de Madame de Staël à la carrière de Michel Delpech ? Dans un nouveau numéro d’Un jour, un destin, Laurent Delahousse revient sur le parcours d’un des chanteurs préférés des Français, mort en 2016. De l’arrivée au sommet jusqu’à la descente aux enfers sur fond de dépression et quête spirituelle.
Au début des années 1970, tout sourit au chanteur : des tubes à ne plus en finir, de l’argent qui coule à flots, des groupies par centaines, une épouse qui accepte ses écarts… Issu d’un milieu modeste, Delpech grimpe les marches de la gloire. « Chez Laurette », « Wight is Wight » et « Pour un flirt » font de lui un chanteur populaire. Chaque 45 tours qu’il sort se transforme en carton. À 25 ans, Delpech est riche et célèbre. Alors, il dépense beaucoup. Vit la vie de popstar. Flirte avec l’alcool et la drogue.
Cure de sommeil
Derrière son sourire enjôleur, une voix de velours et des textes gentiment mélancoliques, le mal-être pointe cependant le bout de son nez. Il suffit d’écouter certaines de ses chansons pour y trouver des indices : « Les Aveux » (« Il est fatigué le prince charmant / Il est fatigué, son beau cheval blanc / Ses rêves bleus sont un peu gris »), « Ce lundi-là » (« À côté de son assiette, il y aurait ses tranquillisants / S’il fallait toutes ces saloperies pour arriver à s’endormir / Ce n’était pas la peine d’avoir trente ans […] Ce n’était pas l’argent qui lui manquait pour être heureux ») ou la plus équivoque « Longue maladie ».
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Le chanteur a d’abord peur de perdre la recette du succès. Puis le départ de sa femme, l’actrice Chantal Simon, change tout. Le « couple libéré », comme c’était la mode à l’époque, ne résiste pas aux nombreuses incartades du chanteur. On est loin des « Divorcés ». Seul dans un immense hôtel particulier, Delpech sombre jusque dans la folie. S’il réussit tant bien que mal à enregistrer en 1977 un dernier tube, « Le Loir-et-Cher », il disparaît des écrans. Le chemin de la dépression l’emmène en cure de sommeil, puis en Inde où il croit trouver des réponses dans l’hindouisme, ensuite chez ses parents où il emménage avec ses enfants et enfin dans un hôpital psychiatrique où il échappe de peu à la lobotomie. La rencontre avec Geneviève, sa seconde femme, et la religion chrétienne – étonnamment passée sous silence dans le documentaire alors que le chanteur lui a consacré deux livres à la fin de sa vie – lui permettent de se relever.
De retour en haut de l’affiche en 2006
Mais la dizaine d’années perdue ne se rattrapera pas. Delpech est devenu un has been. Plus de tubes. Plus de grandes scènes. Pour gagner de l’argent, le chanteur multiplie les galas dans les petites villes. « Parfois, c’était glauque », confie un proche. Un soir, deux femmes lui demandent un autographe. Il signe « Delpech ». « Mais vous n’êtes pas Michel Sardou. » Le chanteur fait bonne figure. Comme quand il doit évoquer, et chanter, « pour la quarante millième fois » ses anciennes chansons. Mais ce sont bien ses tubes d’antan, qu’il chantera en duo en 2006, qui lui feront goûter de nouveau au succès.
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Le récit de Laurent Delahousse réussit, sans pathos et avec de nombreux témoignages (ses deux compositeurs et son fils Emmanuel), à montrer en quoi le succès, éphémère, peut entraîner la chute des stars. Même celles qui ont l’air indéboulonnables. Grandeur et décadence. Finalement, Michel Delpech, en 1975, n’avait-il pas déjà tout annoncé avec son « Quand j’étais chanteur » ? Cependant, son décès en 2016 à 69 ans l’aura empêché de fêter les adieux de Sylvie Vartan.
« Un jour, un destin : Michel Delpech, quand j’étais chanteur », ce dimanche à 22 h 55 sur France 2