Benzema contre Deschamps, notre seuil de tolérance approche de la saturation. Décryptage d’une comédie dramatique un peu trop française.
Cette histoire avait tout de la comédie sociale française consensuelle et convenue. Le gendre halal, à défaut d’être idéal, se fait accepter par une famille traditionnaliste et semblant de prime abord, peu ouverte aux cultures extérieures. Un nouvel opus de ces fameuses comédies qui nous apportent des solutions et des réponses magiques et apaisantes, nettoyant d’un coup de lingette immaculée les maux de la société, comme dans une pub Cillit Bang, dont elles reprennent d’ailleurs les codes esthétiques et parfois, souvent, la pauvreté technique.
Il reste du jambon ?
« Benzema de retour en Bleu », l’enfant terrible un peu gangster sur les bords, qui se réconcilie avec DD, le patriarche protecteur de la famille tricolore, 5 ans et demi après son départ du cocon familial. Le pitch était posé et tel un ruban attrape-mouche, il attrapait tous les poncifs bienveillants de ce genre cinématographique suranné et sursaturé. Benzema arrivait ainsi à Clairefontaine pour son grand retour, serrait Deschamps dans ses bras, ce dernier plaisantait avec lui sur sa coupe de cheveux, sourire bienveillant paternaliste en coin, avec option zoom face caméra un poil trop long comme dans un épisode de The Office.
Tous les codes et clichés bienveillants des comédies estampillées « vivre ensemble » étaient repris avec absence de vergogne dans cette petite mise en scène soigneusement filmée. Communion ostensiblement exagérée, hache de guerre enterrée, transmission du bâton (de Berger ?) entre un père spirituel et son fils retrouvé. Dans ces fictions outrancièrement sponsorisées par le CNC, le Bad boy issu forcément d’une minorité, finit toujours par s’intégrer à sa nouvelle famille à force de compromis et de gags à base de jambon, harissa et autres condiments alimentaires plus ou moins tolérés par les organismes et les confessions.
Rien à déclarer
Mais que se passe-t-il si les différences nous éloignent toujours au lieu de nous rapprocher ? Que se produit-il si les divergences sont trop fortes, les rancunes trop tenaces, les égos trop musclés ? Invariablement, dans toutes les productions filmées de cette engeance depuis « Les aventures de Rabbi Jacob », la diversité enrichit, les disparités fédèrent et les contrastent mettent en lumière les similitudes innées entre les peuples.
Aujourd’hui, il apparaît que la lésion à la cuisse gauche de Karim Benzema au Qatar n’était pas la seule blessure dont ont souffert les Bleus. Les rancœurs internes ont endommagé les chances tricolores de remporter une nouvelle Coupe du monde plus que n’importe quel pépin physique, sans oublier la communication cryptique, absconse et quasi-subliminale du « Nueve », qui ne remportera jamais de trophée pour ses talents de communicant…
Oh, on les connaît, nos films français, avec leurs scénarios en forme de dictée à trous à combler nous-même par la force de l’imagination. Deschamps était-il vexé d’avoir été «oublié» lors du discours de remerciements de Benzema suite à l’obtention du Ballon d’Or ? L’ombre de Zinedine Zidane, réputé proche du natif de Bron, a-t-elle plané trop près des ambitions de DD ? Ce dernier a-t-il vraiment pardonné à Kb9 d’avoir affirmé qu’il avait « cédé à une partie raciste de la France » lors de l’affaire de la sextape ? Pour tout épilogue, la France s’inclinera en finale du Mondial face à l’Argentine avec un raté mémorable de Kolo Muani et Benzema prendra sa retraite internationale dans la foulée.
Acteurs industriels, film inspiré de faits bien trop réels. Derrières les artifices, un arrière-goût moins doux qu’amer. Benzema en équipe de France, ce n’est pas une comédie, c’est surtout l’histoire d’un gâchis.
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