Et si le plus vieux café du monde se trouvait à Tunis ? Comme nous allons l’évoquer, il s’agirait de la tradition née à la zaouia de Sidi Belhassen.
L’hypothèse est des plus plausibles et un regard sur l’histoire et l’expansion du café permet de défendre son bien-fondé. Mais avant d’aller plus loin, penchons nous sur l’origine des mots…
Entre Ethiopie et Yémen
L’étymologie du mot « café » trouve sa racine dans le terme arabe « kahwa » qui serait dérivé de l’éthiopien « kaffa ».
En effet le caféier est originaire de l’Ethiopie et s’est ensuite répandu au Yémen, dans la bien nommée région de Moka.
Le mot arabe « kahwa » s’est transformé en « kahoue » chez les Turcs puis en « caffé » chez les Italiens. Le mot français de « café » est ainsi emprunté directement à l’italien.
Notons pour l’anecdote que le mot « caoua » est également au dictionnaire français. Il y a été introduit en 1863, au contact du Maghreb.
Légendes paysannes et premiers cafés publics
Observons maintenant les grands axes de diffusion du café à travers le monde. Mais d’abord, découvrons cette légende.
On raconte qu’un berger du Yémen a observé l’effet du café sur des chèvres qui broutaient cet arbuste. Il aurait alors consommé du café pour constater ses propriétés énergétiques. Ce berger aurait également découvert l’arôme délicat du café en brûlant quelques grains par inadvertance.
Suivons maintenant l’expansion du café dans le monde. D’abord le Yémen puis, à partir du quinzième siècle, des pèlerins de retour de la Mecque allaient introduire le café dans plusieurs pays musulmans.
Les premières maisons du café ouvriront leurs portes au Caire et à Istanbul au début du seizième siècle. C’est dans cette dernière ville que l’on retrouve la trace des premiers cafés publics de l’histoire. Il s’agit des cafés Chams et Hakam, fondés par des Syriens en 1554.
De Venise à Boston
Le café allait se propager en Europe en passant par la Grèce. Ce sont aussi des marchands vénitiens qui allaient le diffuser à partir de 1600. Par la suite, on verra les premiers cafés de Londres ouvrir leurs portes en 1650 et réunir écrivains et philosophes.
De même le premier café parisien, le fameux Procope, naitra en 1686. Toutefois, avant le Procope, on retrouve en 1672 la trace d’un café au Pont-Neuf, créé par un Arménien répondant au nom de Pascal.
Outre-Atlantique, le tout premier café a ouvert à Boston en 1689. Et le café finira par supplanter le thé comme boisson nationale en Amérique du nord à cause de la taxation trop forte sur ce dernier breuvage.
Qu’on se souvienne de la fameuse Boston Tea Party de 1773 dont les promoteurs se réunissaient au café du Dragon vert !
Alors que les cafés commençaient à devenir une véritable mode en Europe, surtout après la visite en 1669 de Soliman Agha à la cour de Louis XIV, il ne faut pas perdre de vue qu’à cette époque, il existait plus de mille maisons du café au Caire.
Ces établissements étaient célèbres pour leurs hakawatis (conteurs) et leurs danseuses du ventre.
Le café de Sidi Belhassen autour de 1240
A Tunis, le café a été, selon les chroniqueurs de l’époque, introduit par Aboulhassen Chedli (1196-1258). Ce saint homme était un ascète dont les disciples ont créé la zaouia de Sidi Belhassen Chedli qui se trouve sur les hauteurs du Djellaz.
Ce serait Sidi Belhassen qui aurait introduit le rituel du café en Tunisie. En effet, on rapporte que les infusions de café permettaient aux disciples du saint personnage de veiller tard la nuit et poursuivre leurs cycles de prières nocturnes.
D’ailleurs, aujourd’hui encore, on utilise le terme de « chedlia », issu du nom du saint homme, pour désigner un café.
Il existe depuis toujours un ritual à la zaouia de Sidi Belhassen, selon lequel on se réunissait la nuit du vendredi pour « kahouet essebt » ( le café du samedi).
C’est ce rituel et ce lieu qui nous ménent à émettre l’hypothèse que le premier café au monde se trouvait à Tunis, en ce lieu où se réunissaient Sidi Belhassen et ses disciples. Ce café daterait ainsi des années 1240 !
Cafés turcs et amine des kahouagias
Hormis ce sanctuaire historique, les cafés de Tunis ont surtout vu le jour à l’époque ottomane. Ces cafés maures étaient à l’origine tenus par des militaires turcs. C’est Youssef Dey et son ministre Ali Thabet qui firent construire les premiers cafés de la médina de Tunis.
L’un de ces cafés se trouvait dans le souk des Bchamquiya (chausseurs qui fabriquaient des babouches à la mode turque), aujourd’hui disparu et qui se trouvait à la rue Ben Ziad, non loin de la mosquée Youssef Dey et a été construit autour de 1615.
L’autre café qui lui est contemporain, existe encore. Il s’agit du fameux Café Mrabet qui a été créé par Ali Thabet au souk Ettrouk. Ce café a porté ce nom depuis sa fondation.
En ce sens, il existait en 1849 un amine des kahouagias alors que les registres fiscaux de cette même année mentionnent l’existence de 99 cafés dans la médina de Tunis et ses faubourgs.
Florian, Gréco et Deux Magots
Ceci dit, le plus vieux café d’Europe qui nous soit connu est sans doute le Café Florian de Venise (1720). En Italie, le Café Gréco de Rome a été créé en 1760 et a eu parmi ses clients Casanova, Goethe ou Stendhal. Citons en France, la Closerie des Lilas (1847) que fréquentèrent Man Ray, Hemingway, Sartre et Picasso.
Citons aussi Les Deux Magots (1885) et Le Flore (1887). D’autres cafés européens sont tout aussi mythiques comme le Café Central de Vienne (1860) et le Café New York de Budapest (1894).
Sur un autre plan, le plus vieux restaurant du monde pourrait bien être la Tour d’Argent à Paris, une table dont l’origine remonte à 1582 ! Mais ceci est une autre histoire…
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